lundi 25 octobre 2010

Urgence

48 heures dans le corridor
48 heures à vivre dans un reportage de Canal D

Hôpital Notre-Dame.
Ploguée à mon soluté, entre deux pics de fièvre
J'ai rien d'autres à faire que d'analyser ce qui se passe autour de moi.

J'ai toujours aimé observer la nature humaine. Analyser le comportement de la faune urbaine.
J'ai été servie pour ça.

En jaquette qui s'attache (ou plutôt s'ouvre à tout vent) dans le dos, la vulnérabilité ramène les gens à leur nature profonde.
C'est là, derrière les rideaux qui font office de cloison pas étanche pantoute que j'ai encore un peu mieux saisis que ça prend de tout pour faire un monde.

Un vieux râleur rabougri, pauvre bougre qui ne fait que se plaindre de tout. On n'en pouvait plus de l'entendre sacrer, chiâler, se plaindre, s'offusquer, s'irriter. À première vue, c'est un fatiguant de première classe. Après 24 heures, on comprends que, peut-être, il se sent seul. Et vieux. Et fatigué. Il veut avoir de l'attention, mais ne sait pas comment. Alors il entretient sa "détestabilité". Pour qu'on ne l'oublie pas. Chercher la bête noire dans tout.

Ça doit peser lourd en mautadit durant toute une vie.

Une bonne femme déchue qui essaie de se donner une contenance qu'elle n'a pas. Sevrage de grosses quilles cheap, livrées à domicile. La misère du monde veut lui sortir de la yeule. Et elle sonne, et sonne et resonne. Elle veut et exige. Et râle et finit par "crisser son camp d'icitte parce que vous m'aurez pas mes câlisses avec vos examens".

Ça doit peser lourd en mautadit durant toute une vie.

Des policiers. Qui font le guet. Qui attendent que celui qui ne donne pas son vrai nom parce que trempe probablement dans quelque petites magouilles se pète la tête sur le mur. Violence. Exaspération. Chahut. Il repartira debout, mais enchaîné.

Ça doit peser lourd en mautadit durant toute une vie.

Une immigrante. Asiatique. Qui n'arrive pas à se faire comprendre. Qui murmure en vain. Malade et plus seule que seule, emmurée par sa muraille de Chine.

Ça doit peser lourd en mautadit durant toute une vie.

Et y'a moua. Qui trouve que même dans un corridor de l'urgence, ma civière est confo comme le Reine Élizabeth.
Quand on a fait la brousse, on se console à pas grand chose, j'pense.
L'infirmière (elles sont saintes, ces femmes-là, de dealer avec ce twilight zone à tous les jours) rigole à mes propos.

J'ai le corps à broil, mais je suis entre bonnes mains.
Je me tape en alternance des tremblements incontrôlables et des bains de sueur "qui font sortir le méchant".
Mon esprit divague vers mon père et mon grand-père qui ont été avant moi des "patients" pas impatients pantoute.
Je suis solidaire avec la famille et je garde le moral.

Je pense vraiment que la vraie nature des gens transparaît dans l'urgence.
J'me trouve pas pire.
J'me trouve chanceuse.
Ça pèse pas lourd pantoute dans ma vie.

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